Macabre. C'était le seul mot qui lui venait à l'esprit face à la désolation de cette pièce. Le plafond était fissuré et le plancher taché de sang. La poussière s'était accumulée depuis des années et des toiles d'araignées étaient mêlées à la moisissure. Des gouttes d'eau s'écoulaient du plafond fragilisé et fracassaient le sol lourdement. Une odeur nauséabonde suintait des murs et du plancher alors que le corps de la jeune fille, couvert de moisissure, continuait de pourrir au centre de la pièce. Depuis combien de temps était elle morte ? Qui avait bien pu l'assassiner? C'est ce que Nate devait s'efforcer de découvrir.
Il avança au centre de la pièce et se pencha au-dessus du corps en putréfaction. Certains os étaient visibles et les vers se nourrissaient du peu de tissus de peau qu'il restait. « Elle doit être là depuis des mois » pensa-t-il. Ses longs cheveux noirs et poisseux recouvraient son visage. Nate tourna un instant autour de la jeune fille et remarqua que ses membres étaient tous disloqués. Il s'accroupit au niveau de sa tête et dégagea avec précaution les cheveux qui couvraient son visage.
Il poussa un cri d'effroi et tomba sur le sol. Une moitié de son visage était entièrement décomposée, on pouvait apercevoir les os de son crâne alors que l'autre moitié était encore intacte et à peine abîmée. Du noir avait coulé tout autour de son œil clos laissant une longue larme noire sur sa joue.
Nate se ressaisit et se releva. Il essuya son pantalon et reprit lentement ses esprits. Une certaine beauté se dégageait du visage de la jeune femme et Nate se sentit troublé le temps d'une seconde. Il secoua la tête et remarqua un pendentif autour du cou de la jeune fille. Il s'agissait d'une médaille couleur argent, rouillée par le temps. Il essuya le médaillon d'un revers de main et plissa les yeux pour tenter de lire le nom incrusté dans le métal. « Emily », murmura-t-il.
Soudain l'atmosphère autour de lui devint glacial, de la buée sortait de sa bouche. Nate se frictionna les bras et regarda autour de lui. Une légère brume remplissait désormais la pièce et une odeur de décomposition insoutenable lui emplissait les narines. Nate essaya tant bien que mal de garder son calme et de rester rationnel. Il sentit alors de l'eau à ses pieds et remarqua en baissant la tête qu'il s'agissait en réalité d'une marre de sang frais.
Son cœur s'emballa et une main squelettique lui agrippa soudain la jambe. Nate poussa un cri d'horreur, il s'agissait de la main d'Emily. Il voulu se précipiter vers la porte mais celle-ci claqua violemment et l'emprise d'Emily se fit un peu plus forte, si bien qu'il ne pouvait s'en détacher. Emily s'agrippa plus fort encore aux jambes de Nate et se releva dans un macabre craquement d'os. Le cœur de Nate menaçait de s'arrêter, la peur le paralysait. Emily se tenait désormais debout face à lui et posa ses mains squelettiques sur les paupières de Nate, le forçant à fermer les yeux.
-« Tu n'aurais pas du venir ici. » Murmura Emily d'une voix calme mais métallique.
Nate ouvrit les yeux brusquement. Il se trouvait désormais dans la même pièce mais la poussière avait laissé place à la propreté et une agréable odeur fleurie flottait dans la pièce. Il avança à travers le salon et se rendit soudain compte que son corps était en réalité celui d'un autre. Il s'approcha d'un miroir avec une grande appréhension et poussa un petit cri de surprise. Ses cheveux mi-longs et bruns avaient laissé place à de longs cheveux noirs et ondulés. Ses yeux marrons étaient désormais noirs et maquillés. Il posa une main sur son visage et c'est alors qu'il l'a reconnue ; Emily. Soudain, une main puissante lui agrippa l'épaule et le força à se retourner. Un homme grand et fort lui faisait face l'air menaçant :
« Tu n'es qu'une petite pute !» lâcha-t-il en lui assignant une violente gifle.
Nate porta une main à sa joue douloureuse et cracha un léger filet de sang.
« Je vais te faire regretter de m'avoir trompé salope ».
Une deuxième gifle plus violente que la précédente s’abattit sur Nate qui se retrouva projeté au sol. L'homme face à lui le ruait de coups en l'insultant de tous les noms possibles et imaginables : " Putain, mange bite, sous-merde ". Nate le suppliait d'arrêter mais rien n'y faisait ; plus il suppliait, plus l'homme frappait fort. L'homme lui agrippa les cheveux le traîna au centre de la pièce. Il lui arracha sa robe ainsi que ses sous-vêtements et entra en lui avec violence. Nate poussa un cri de douleur et de chaudes larmes coulèrent plus forts le long de ses joues.
« Et avec l'autre, t'as pleuré aussi ? » Hurla l'homme.
Nate continuait de le supplier mais l'homme ne s'arrêta pas avant d'être arrivé au bout de son plaisir. Nate se recroqueville et serra ses jambes autour de sa poitrine. Un filet de sang coulait de son entre-jambe. L'homme saisit Nate par les jambes et les lui brisa d'un seul geste. Nate hurla de douleur alors que l'homme répétait le même geste avec ses bras et ses poignets. Nate n'arrivait plus à respirer, la douleur était insupportable; indescriptible. L'homme le tira alors par les cheveux et le plaça au centre du salon ; dans la pièce d'à côté. Nate hurlait à s'en briser les cordes vocales et saignait de tout son corps.
L'homme sortit de la pièce et revint avec un couteau de cuisine qu'il planta au milieu de la poitrine de Nate. La douleur lui coupa le souffle, il ne pouvait désormais plus crier. L'homme remonta le couteau tout au long de la cage thoracique de Nate dont les yeux se révulsaient. De dernières larmes coulèrent de ses yeux, laissant de longues traces noires le long de ses joues. L'homme se pencha au-dessus du corps agonisant d'Emily dans lequel Nate était prisonnier et dans un dernier sourire il lui planta la lame du couteau dans le cœur. Nate rouvrit brusquement les yeux et reprit son souffle avec beaucoup de difficulté. Il avait retrouvé son corps et se tenait à nouveau dans la pièce délabrée face au cadavre d'Emily qui lui faisait toujours face. Il l'a regarda horrifié et tenta tant bien que mal de calmer les tremblement convulsifs de son corps. Emily s'approcha de lui et retira son collier avant de le lui passer au cou.
« Tu n'aurais pas du venir » Murmura-t-elle.
Nate s'empara du médaillon et l'inscription qui s'y trouvait s'effaça pour faire place à une nouvelle gravure : Nate. Il écarquilla les yeux d'horreur et supplia Emily de ne pas lui faire de mal. Une larme coula le long du visage de la jeune femme.
« Tu n'aurais pas du venir » Répéta-t-elle à nouveau.
Elle déposa une main sur le cœur de Nate avec douceur avant de le lui arracher violemment de la poitrine. Nate s'écroula au centre de la pièce alors que son cœur continuait de battre entre les doigts squelettiques d'Emily. Elle essuya ses larmes d'un revers de main et s'implanta le cœur de Nate dans la poitrine.
Une vague de chaleur l'envahie et son corps reprit vie ; ses os se soudèrent et de nouveau tissus vinrent recouvrir les os apparent de son cadavre. Elle avança jusqu'à l'entrée de la pièce et regarda le corps sans vie de Nate une dernière fois.
« Tu n'aurais pas du venir. » Répéta-t-elle encore. « Pardonne-moi, c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour pouvoir reposer en paix. C'est maintenant toi qui est prisonnier de ma malédiction jusqu'à ce que quelqu'un d'autre prenne ta place et te permette de rejoindre l'ultime prospérité à ton tour. C'est un éternel recommencement, une éternelle mélodie macabre vouée à tourner en boucle sur une platine CD ; ça n'en finira jamais... Après toi quelqu'un d'autre prendra ta place, puis un autre et encore un autre. Personne ne peut rien contre ça, trop de souffrances se sont accumulées dans cette pièce, je n'avais pas le choix. Je ferai vivre et revivre mon calvaire à toute personne trop curieuse de connaître mon histoire ; ton histoire. J'ai beaucoup trop souffert Nate... »
Elle marqua une pose et essuya les larmes qui ravageaient son visage.
« Tu n'aurais pas du venir. »
Elle sortit de la pièce après un ultime coup d’œil au cadavre de Nate, ferma la porte et disparut en un tas de cendres que le vent emporta au loin afin de la libérer enfin de son chagrin et de la malédiction dont Nate était désormais prisonnier.